Pour nos deux couples de tarés adorés <3

Aimer à perdre la Raison

La lune scintillait haut dans le ciel cette nuit-là et ses rayons argentés venaient s'immiscer dans cette boutique délabrée. La devanture était sale et poussiéreuse et les murs patinés d'une crasse noire qui semblait, à elle seule, dissuader même les plus curieux d'oser s'approcher. Et, même les âmes errantes habituées à cette désolation qui régnait dans l'Allée des Embrumes évitaient cette boutique, il y a peu ravagée par le feu, et dont le propriétaire avait été envoyé à Azkaban. Pendant les jours qui avaient suivi cette tragédie les membres de la Brigade Magique étaient venus fouiner, enquêter, tenter de récupérer des indices à se mettre sous la dent. Depuis l'élection de Strickland comme Ministre de la Magie, la sécurité semblait être devenue la priorité absolue d'un gouvernement mal aimé et incompris du peuple. Alors les officiers faisaient du zèle et tentaient d'augmenter leur quota d'arrestation de Mages Noirs et autres adeptes de la magie noire. Et ils étaient nombreux à rêver de pouvoir mettre la main sur celui qui, depuis la Coupe du Monde de Quidditch , était devenu presque aussi recherché que les frères Lestrange ! Thalyesin McAllister... Le propre neveu de Strickland et l'ancien mari de sa petite protégée, Samara Nemirowsky... Depuis ce jour-là l'homme avait été déclaré fou et dangereux et son portrait était placardé un peu partout. Son ancienne épouse ayant même été jusqu'à offrir une récompense à quiconque permettrait de le retrouver. L'ironie avait voulu que l'un de ces avis de recherche soit justement placardé sur le mur de cette boutique, en apparences en ruines, dans lequel, quelques jours auparavant, un ben étrange couple s'était réfugié. Alors qu'elle suivait l'homme de sa vie dans ce qui allait devenir, du moins pendant quelques temps, leur refuge, le regard limpide d'une toute jeune femme avait glissé sur la surface jaunie de cette feuille ballottée par le vent humide de Londres. Elle avait frissonné et serré, un peu plus fort encore, cette main d'homme qui la guidait avec douceur dans ce qui était devenu leur nouveau royaume.

Thémis avait attendu de pénétrer dans l'antre de ce fouillis pour laisser s'abaisser la lourde capuche qui dissimulait ses trais enfantins mais bien fatigués. Elle aussi était recherchée même si la nouvelle de sa fugue n'avait pas encore du atterrir sur le bureau de la police magique. La jeune femme le savait, Samara tenterait tout pour les récupérer, son fiancé et elle, mais elle ne pouvait pas se permettre de faire ni trop de bruit ni trop de vagues. Cela lui ferait courir de bien trop gros risques et si jamais la police venait à s'intéresser de trop près à cette affaire alors il lui faudrait répondre à des questions bien trop embarrassantes. Samara était une politicienne et le mensonge était son quotidien mais, en l'occurrence, elle aurait du mal à faire face à ses propres crimes ! Ce qui, à eux, leur laissait encore un peu de temps devant eux avant que la fureur des Aurors et autres flics ne se déchaîne contre eux. Elle avait regardée, perdue et hébétée, encore sous le choc des événements de la soirée, cet étrange intérieur qui était désormais le sien. Cela ne ressemblait en rien à la maison où Nicolas et elle avaient vécu et où, elle le savait, elle ne pourrait revenir avant sa majorité. Nicolas la lui avait léguée mais, n'étant pas encore majeure, la gestion de son patrimoine revenait à cette folle de Samara. Thémis devait se montrer patiente ce qui, il fallait bien le reconnaître, était loin d'être son fort ! Elle avait soupiré et s'était laissée tombée à terre au milieu de tout ce fatras de débris et de poussière, peinant à réaliser qu'elle se trouvait chez elle. Une fois son compagnon parti s'occuper de leur invité elle avait retroussé ses manches et s'était décidé à faire un peu de rangement et de ménage. Certes la boutique en elle-même se devait de conserver son apparence bordélique actuelle mais, l'arrière boutique où ils avaient trouvé refuge, elle, reprit vite une apparence presque confortable. Usant de la magie pour mieux y apporter une touche de civilisation, Thémis avait fini par s'endormir sur un vieux canapé usagé.

Mais cette nuit, comme toutes celles qui avaient suivies, les songes de la demoiselle avaient été des plus agités. Ses rêves n'étaient que cauchemars, océans de noirceur dans lesquels elle se perdait, se réveillant toujours en sursauts, en sueur et en larmes. Cette nuit-là, lorsqu'elle se réveilla, elle constata que l'homme à ses côtés, ses bras encore posés, comme la plus légère des protections, autour de son corps encore meurtri, dormait toujours. Repoussant doucement l'homme elle se leva et enfila cette chemise qu'il avait laissée tomber au pied de leur lit de fortune avant de venir la rejoindre. Thalyesin... Il semblait presque serein lorsqu'il dormait. Des étoiles plein les yeux elle le contempla pendant de très longues secondes, redessinant du bout de ses doigts tremblants, le moindre des traits de son visage , de son corps. Thalyesin... Elle le trouvait si beau ! Tellement parfait ! Trop parfait même... Du moins pour elle. Elle qui, malgré le désir qu'elle avait de s'offrir à lui, peinait à ne pas trembler et reculer à chaque fois qu'il la prenait, si amoureusement, dans ses bras puissants. L'amour et le désir n'étaient pas en cause et la vert et argent vouaient une passion sans bornes à cet homme qui ne pouvait l'approcher, ni encore moins la toucher, sans qu'elle ne tremble de peur. Mais après tout ce qu'elle avait vécu dans l'enfer de ce Manoir, Thémis se sentait brisée, humiliée, souillée... Et elle ne savait comment réagir, perdue et oscillant entre l'envie de surmonter cette énième épreuve et son incapacité flagrante à y parvenir. Elle soupira, chassant cette larme qu'elle sentait trop bien poindre. Se dirigeant vers un haut miroir poussiéreux, elle en essuya la surface miroitante et observa son reflet. Thémis tomba à genoux en voyant cette image que lui renvoyait le miroir et qu'elle ne reconnaissait pas. Etait-ce vraiment elle cette ombre ? Ou étaient donc passé sa joie de vivre et son sourire ? Son regard était éteint, son corps couvert d'ecchymoses et de traces de tous ces sévices qu'elle avait subis... Elle était hideuse ! Et ce manque qu'elle sentait encore monter en elle, la rongeant de l'intérieur... Depuis que Thalyesin était venue la chercher à l'hôpital, il l'avait empêchée de reprendre quoique ce soit, cherchant à la sevrer. Mais le manque était tellement dur ! Elle se perdait, tremblant, se mordant les lèvres jusqu'au sang pour ne pas hurler sa douleur. En sueurs, fiévreuse, elle décida d'aller trouver la seule personne dans les poches de qui, si jamais Thalyesin ne les avait pas déjà vidées, elle savait pouvoir trouver sa dose. Kendrick...

Elle courut, pieds nus et à peine vêtue, vers cette espèce de réduit où ils gardaient leur invité prisonnier. Lorsqu'elle ouvrit la porte et qu'elle le vit ainsi, attaché et si faible, Thémis ne sut pas même si elle en éprouvait de la satisfaction ou de l'horreur. Il y a peu c'était elle qui se retrouvait ainsi prisonnière. Aujourd'hui elle était devenue bourreau. En avait-elle vraiment le droit ? La réponse s'imposa à elle lorsqu'elle songea à ce petit bébé encore prisonnier de la folie de celle qui lui avait pourtant donné le jour. Oui, Westerfied méritait son sort ! Il méritait même pire encore ! Et la haine de la jeune femme ne cessa de croître quand elle réalisa que, sans lui, aucun de ces malheurs ne serait arrivé ! Il avait reconquis Samara (ça c'était plutôt une bonne chose aux yeux amoureux de la vert et argent en fait...- mais il avait défiguré Thalyesin ! Les avait enlevés Aedhan et elle et fait de leurs existences un véritable enfer ! Et... il avait assassiné Nicolas ! Alors qu'elle était venue pour prendre cette petite fiole de drogue qu'elle vit dans le fond de la poche du médicomage, Thémis hésita soudainement. Elle ne voulait plus prendre cela... Mais elle en avait tellement besoin ! Oui mais elle avait promis a Thalyesin de se sevrer... Et, lui, elle ne pouvait ni lui mentir ni encore le décevoir. Elle se détestait tellement pour s'être montrée aussi faible ! Pour avoir été incapable de les protéger le petit et elle... Thémis se sentait coupable et, déjà, sa main se saisissait de la fiole et de la seringue. Déjà elle préparait son prochain shoot. Mais, au dernier moment, alors que l'aiguille allait s'enfoncer dans ses chairs meurtries, elle renonça. Non ! Elle ne pouvait pas faire cela. Même la plus douloureuse des rédemptions était préférable à la plus douce des damnations. Thalyesin méritait mieux que cela. Elle jeta la fiole et la seringue au loin et se recroquevilla sur elle-même, pleurant à chaudes larmes. Son regard glissa alors sur la silhouette de Kendrick. Lui ! Tout était de sa faute ! L'instant d'après, alors qu'elle allait se jeter sur lui, les yeux du médicomage s'ouvrirent et la regardèrent, pleins de défi et de mépris.